La Légende

 

 

 

 

 

La Legende De SINH, CHAT SACRE



"En ce temps là, dans un temple bâti aux flancs du mont Lugh, vivait en prières le très vénérable kittah Mun-Hà, grand lama précieux entre le précieux, celui dont le Dieu Song-HIO lui-même avait tressé la barbe d'or..."

"Pas une minute, pas un regard, pas une pensée qui ne fut consacré à l'adoration, à la contemplation, au pieu service de Tsun-Kyanksé déesse de saphir, celle qui préside à la transmutation des âmes, celle qui permet aux Kittahs de revivre dans un animal sacré la durée de son existence animale, avant de reprendre un corps auréaulé de la perfection totale et sainte des grands prêtres. Auprès de lui méditait Sinh, son cher oracle, un chat tout blanc, dont les yeux étaient jaunes, jaunes du reflet de la barbe de son maître et du corps doré de la déesse aux yeux de ciel... Sinh, le chat conseiller, dont les oreilles, le nez, la queue et l'extrémité des membres étaient de la sombre couleur du sol, marque de la souillure et de l'impureté de tout ce qui touche ou peut toucher la terre.
"Or, un soir, comme la lune malveillante avait permis au Phoums maudits venus du Siam abhorré, de s'approcher de l'enceinte sacrée, le grand prêtre Mun-Hà, sans cesser d'implorer les destinées cruelles, entra doucement dans la mort, ayant à ses côtés son chat divin et sous les yeux le désespoir de tous les Kittahs accablée...
"C'est alors que se produisit le miracle... le miracle unique de la transmutation immédiate : d'un bond, Sinh fut sur le trône d'or et se jucha sur la tête de son maître affaisé.... Il s'arcbouta sur cette tête chargée d'ans et qui, pour la première fois, ne regardait plus sa déesse.... Et comme il restait à son tour figé devant la statue éternelle, on vit les poils hérissés de son échine blanche devenir soudain jaune d'or. Et ses yeux d'or devinrent bleus, immenses et profonds comme ceux de la déesse. Et comme il tournait doucement la tête vers la porte du sud, ses quatre pattes, qui touchaient le crâne vénérable, devinrent d'un blanc éclatant, jusqu'à l'endroit que recouvrait la soie des vêtements sacrés. Et comme ses yeux se détournaient de la porte du sud, les Kittahs, obéissant à cet impératif regard, chargé de dureté et de lumière se précipitèrent pour fermer sur le premier envahisseur les lourdes portes de bronze.
"Le temple était sauvé de la profanation et du pillage....
"Sinh n'avait pas cependant quitté le trône et le septième jour, sans avoir fait un mouvement, face à la déesse, et les yeux dans les yeux, mourut, mystérieux et hiératique, emportant vers Tsun-Kyanksé l'âme de Mun-Hà, trop parfaite désormais pour la terre...
"Et quand, sept jours plus tard, les prêtres assemblés se consultèrent devant la statue pour décider de la succesion de Mun-Hà, on vit accourir tous les chats du temple...
Et tous étaient vétus d'or et gantés de blanc, et tous avaient changé en saphir le jaune de leurs yeux...Et tous en silence entourèrent le plus jeune des Kittahs que designaient ainsi les ancêtres réincarnés par la volonté de la déesse...

"Et maintenant, précisa la conteuse, que meure un chat sacré du temple de Lao-Tsun, c'est l'âme d'un Kittah qui reprend à jamais sa place au paradis de Son-Hio, le dieu d'or. Mais malheur aussi, conclut-elle, à celui qui hâte la fin de ces bêtes merveilleuses, même s'il ne l'a pas voulu. Il souffrira les plus cruels tourments jusqu'à ce que s'apaise l'âme qu'il a perturbée..."

- Extrait de l'ouvrage de Marcel Reney, "Nos amis les chats "(Editions Ch. Grasset, Genève, 1947)
- Légende contée par Marcelle Adam, romancière,
- au Docteur Vétérinaire Fernand Méry, l'ayant publiée en 1926 dans "Minerva".

± Webset Design by © Jade - Reproduction Interdite ±